Les ostéopathes et le carnet de santé
Le carnet de santé est un outil clé pour le suivi de la santé des enfants et la question de l’accès et de l’utilisation de ce carnet par les ostéopathes est de plus en plus pertinente.
Nous vous proposons un résumé de l’article publié en mars 2024 par Pierre-Luc L’Hermite, Paola Tavernier et Gianni Marangelli, et qui analyse le cadre juridique et les implications pratiques de l’usage du carnet de santé par les ostéopathes, à la fois en termes de permissions et de responsabilités.
Quel est le cadre juridique ?
L’ostéopathie est reconnue comme une médecine non conventionnelle de premier recours, avec une autonomie de diagnostic et de traitement. À ce titre, les ostéopathes participent au suivi et au soin des enfants.
La protection des informations relatives à la santé des personnes et le respect de la vie privée sont au coeur du dispositif d’encadrement de l’usage du carnet de santé.
Le Code de la santé publique précise que “toute personne appelée, de par sa fonction, à prendre connaissance des renseignements qui y sont inscrits est soumise au secret professionnel“
Les professionnels qui sont autorisés à accéder au carnet de santé doivent répondre aux deux conditions suivantes :
- êtres concernés par la santé des personnes
- être soumis au secret professionnel.
Il convient donc d’analyser dans quelle mesure les ostéopathes remplissent ces deux conditions.
Sommes-nous “concernés par la santé” ?
Concernant le premier point, l’arrêté du 28 février 2018 relatif à la forme et au mode d’utilisation du carnet de santé fait régulièrement usage de la dénomination “professions de santé”, ce qui pourrait laisser penser que les ostéopathes en sont exclus.
Néanmoins, le statut de l’ostéopathie en tant que profession apparaît maintenant dans plusieurs textes réglementaires, et le fait qu’elle soit concernée par les questions de santé apparaît aussi clairement dans les annexes de l’arrêté du 12 décembre 2014 qui prévoient que, dans le champ de compétences de l’ostéopathe, les actes de soins « ont pour but de prévenir ou de remédier aux dysfonctions en vue de maintenir ou d’améliorer l’état de santé des personnes ».
✔ Les ostéopathes répondent donc bien à la condition d’être des professionnels concernés par la santé des personnes !
La question du secret professionnel
L’article L. 2132-1 du Code de la santé publique prévoit « que toute personne appelée, de par sa fonction, à prendre connaissance des renseignements qui y sont inscrits (ndlr : dans le carnet de santé) est soumise au secret professionnel. »
La référence au secret professionnel nous ramène à l’article L. 1110-4 du Code de la santé publique qui énonce que : « Toute personne prise en charge par un professionnel de santé, un établissement ou service, un professionnel ou organisme concourant à la prévention ou aux soins dont les conditions d’exercice ou les activités sont régies par le présent Code, le service de santé des armées, un professionnel du secteur médico-social ou social ou un établissement ou service social et médico-social […] a droit au respect de sa vie privée et du secret des informations la concernant. »
Il s’agit d’une définition assez large qui inclut à la fois les professionnels de santé, mais aussi les personnes qui concourent à la prévention, ou aux soins, ainsi que les professionnels du secteur médico-social.
Dans ce même article il est expressément stipulé que le secret médical “couvre l’ensemble des informations concernant la personne venue à la connaissance du professionnel, de tout membre du personnel de ces établissements, services ou organismes et de toute autre personne en relation, de par ses activités, avec ces établissements ou organismes. Il s’impose à tous les professionnels intervenant dans le système de santé”
Des dispositions réglementaires issues d’un décret datant de 2016 (repris en partie dans l’image ci-dessous) prévoient de manière explicite que les ostéopathes soient en mesure d’échanger ou de partager avec des professionnels de santé des informations relatives à la même personne prise en charge.
Les auteurices précisent que “cet encadrement crée donc, s’il le fallait, la possibilité pour les ostéopathes de bénéficier de ce régime dérogatoire concernant le partage d’informations de santé avec les professionnels de santé.”
✔ Les ostéopathes sont donc bien soumis au secret professionnel !
Première conclusion : Les ostéopathes sont bien autorisés à consulter et écrire dans le carnet de santé !
Corollaire : les ostéopathes ont-ils obligation de faire usage du carnet de santé ?
Maintenant que nous savons que les ostéopathes sont autorisés à utiliser le carnet de santé, tant pour y lire que pour y écrire des informations relatives au suivi et à la prévention des troubles fonctionnels, y sont-ils également obligés ?
D’après les auteurices, si elle existait, cette obligation reposerait sur deux arguments. Le premier tient au fait que l’ostéopathie est une activité de premier recours, le second relève du respect du choix des usagers.
En tant que praticien de premier recours, l’ostéopathe peut-être est amené à établir un diagnostic d’opportunité lorsqu’il identifie les signes et symptômes d’alerte justifiant un avis médical préalable à une prise en charge ostéopathique.
Les dispositions de l’article L. 2132-1 du Code de la santé publique sont claires à ce sujet : elles indiquent que, sur le carnet de santé, « doivent être notées, au fur et à mesure, toutes les constatations importantes concernant la santé de l’enfant ». La nécessité de l’accès au carnet de santé devient alors évidente dans une démarche de prévention et de contribution au dépistage précoce de troubles divers pouvant affecter l’enfant au cours de sa croissance.
- L’absence de consultation ou d’utilisation du carnet pourrait être perçue comme un manquement à une diligence normale, en cas de retard dans la prise en charge d’une pathologie.
Lorsqu’il est fait mention dans le Code de la Santé Publique que “ le carnet de santé est remis aux parents ou aux personnes titulaires de l’exercice de l’autorité parentale ou aux personnes ou aux services à qui l’enfant a été confié », le législateur s’inscrit dans un esprit d’autonomisation des patients au sein de leur parcours de soin. A ce titre, les personnes sont également libres d’estimer la pertinence de recourir à des soins ostéopathiques.
- L’utilisation du carnet doit respecter les choix des usagers et impliquer leur consentement.
Conclusion générale
L’usage du carnet de santé par les ostéopathes est non seulement autorisé dans une certaine mesure mais peut également devenir une obligation implicite pour garantir une prise en charge de qualité. Cela nécessite une clarification légale et une formation continue pour les ostéopathes, en lien avec leur participation à la coordination des soins.
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